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Le poids de la vidéo en communication politique

Plus que quelques semaines avant le premier tour de l’élection présidentielle et chaque candidat dispose de sa propre stratégie vidéo pour leur communication politique. 

Je ne vous apprends rien, les femmes et hommes politiques sont passés maîtres en matière de communication, particulièrement sur Internet où ils se sont emparés des réseaux sociaux pour élargir leur audience. 

La vidéo est très présente dans leurs stratégies. Que ce soit sur YouTube, Twitch ou plus récemment sur TikTok, les 12 candidats ont tous intégré la vidéo à leur communication. 

Et ils recherchent sans cesse à se diversifier et à innover en s’emparant de nouvelles formes de communication vidéo comme Le Pen sur TikTok ou Mélenchon sur Twitch. 

En communication politique, la vidéo permet de véhiculer des messages auprès d’une audience que les candidats ne touchent pas d’ordinaire. Ainsi, c’est bien pour parler à la Génération Z, celle née entre 1997 et 2010, que la plupart des candidats sont arrivés sur TikTok. 

La vidéo est un sérieux atout également par son pouvoir de partage. En diffusant une vidéo que chacun va pouvoir repartager sur ses propres réseaux sociaux, les messages des candidats circulent à vitesse grand V, chaque partage ne faisant qu’élargir le nombre de personnes touchées. 

Je vous propose aujourd’hui d’analyser plusieurs exemples de stratégies vidéos déployées en politique par des candidats à l’élection présidentielle en France. L’idée est de pouvoir en tirer des enseignements en matière de marketing vidéo car finalement, communication politique et communication des entreprises ont de nombreux points communs. 


La websérie selon Macron

En matière de vidéo, nous avons entendu parler du Président candidat pour sa websérie “Le candidat” dans laquelle il revêt la posture de candidat à l’élection présidentielle et accepte de se mettre en scène dans son quotidien, d’une façon inédite en France pour un Président sortant.


Les épisodes reprennent les codes des séries TV avec une mise en scène assumée tout en restant ancrés dans le réel. La réalisation est soignée, ainsi que l’esthétisme des images, les mouvements de caméra et le montage… On sent clairement l’ambition de rendre le Président sympathique et proche des gens. Macron donne rendez-vous pour un nouvel épisode tous les vendredis à 18h, il crée donc une attente chez son audience qu’il cherche à fidéliser. 

Produire une websérie a d’autres avantages pour la communication politique en vidéo.

Cela permet de se démarquer des spots électoraux traditionnels, souvent solennels et pas très authentiques. Dans une websérie, on privilégie le récit à l’argument commercial (ou électoral puisqu’on parle ici de politique). Cela nous renvoie au storytelling qui vise à épouser les codes narratifs des récits dans la communication des professionnels (politique ou entreprise).

Ensuite, il y a une certaine sincérité qui se dégage de ce type de vidéos, on cherche à créer une relation de proximité avec les gens.

Enfin, on répond à la nécessité de récurrence que les professionnels de la communication et du marketing rencontrent. Pour être visible sur Internet, il faut être capable de proposer des nouveaux contenus régulièrement. La websérie le permet grâce à ses multiples épisodes.

La qualité technique de la websérie “Le candidat” a fait l’unanimité, du moins le premier épisode diffusé le 4 mars.

Il est indéniable que c’est une stratégie de communication intéressante pour toucher un jeune public, et plus globalement la majorité de la population qui visionne des vidéos sur Internet tous les jours.  

Il existe quand même un risque pour le candidat Macron, celui d’apparaître dans ses vidéos comme très égocentrique, trop centré sur lui-même, un reproche qu’on lui fait déjà beaucoup, certains le qualifiant même de Président jupitérien qui gouverne seul. 

Même si une campagne présidentielle, c’est la rencontre d’un candidat ou d’une candidate avec les Français, le format websérie sera intéressant pour E.Macron si et seulement si les épisodes intègrent une dimension collective, en valorisant son équipe de campagne et surtout les Françaises et Français qu’il va rencontrer durant la campagne. 


Tiktok et la vidéo dans la communication politique de Marine Le Pen 

Après YouTube, plusieurs candidats ont également investi TikTok. C’est le cas de Marine Le Pen qui est arrivée sur ce réseau dès octobre 2021. 


MLP n’y parle pas beaucoup de son programme, elle privilégie plutôt les scénettes de son quotidien qu’elle partage avec ses 372,5k abonnés, avec ses chats par exemple. L’idée est d’humaniser la candidate. Tout cela est d’ailleurs plutôt cohérent avec la stratégie de dédiabolisation qu’elle met en place depuis plusieurs années. 

À travers ses vidéos courtes verticales, TikTok permet de s’adresser aux jeunes, à la Génération Z pour qui TikTok est le réseau social numéro 1. Mais pas uniquement : en France, 43% des utilisateurs ont plus de 34 ans.

TikTok est également imbattable en matière de reach (la portée des publications) : 15 M d’utilisateurs mensuels en France.

C’est même la 1re application (après Facebook) a avoir passé les 3 Mds de téléchargements.

Voir les politiques arrivés sur TikTok n’est pas si surprenant dans la mesure où face aux contenus de divertissement, les contenus militants et pédagogiques y sont aussi très présents. 

MLP n’est pas la seule à s’être emparée de TikTok : on se souvient de Mélenchon en train de boire son lait fraise avant son débat avec Zemmour, et Zemmour lui-même en train de jouer au bowling. Sans oublier Macron et ses 2,8 M d’abonnés. 

Puisqu’on parle de Mélenchon, il est très à l’aise sur TikTok. Déjà, il a été le premier politique en France à s’en emparer dès 2017. 

Ensuite, il a 2 comptes, 1 pour lui, 1 pour sa campagne… ce qui lui permet de se lâcher un peu plus sur son profil personnel tout en restant plus conventionnel sur celui de sa campagne. 

Enfin et surtout, les équipes de Mélenchon ont vite cerné l’importance sur TikTok d’identifier les tendances et de les suivre. Que ce soit à travers une musique ou un filtre populaire, ils n’hésitent pas à les réutiliser, avec à la clé un gain de visibilité. 


Jean-Luc Mélenchon sur Twitch

Mélenchon a été précurseur sur un autre réseau, Twitch, où il a lancé sa chaîne sur laquelle il participe à des émissions et rediffuse ses meetings. 


Récemment, Europe Ecologie s’y est mise également. Sans oublier le Premier Ministre Jean Castex et l’ancien Président François Hollande qui avaient répondu aux questions de Samuel Etienne.

Qu’est-ce que les politiques vont chercher sur Twitch alors que les audiences y sont plutôt faibles (5 000 spectateurs maximum pour Mélenchon, quelques centaines pour Yannick Jadot et Europe Ecologie) ?

Déjà, on y fédère son audience qui va se sentir valorisée par la relation directe que vous leur proposez à travers l’organisation de lives, d’autant plus que sur Twitch, ce sont des événements plutôt longs où l’on prend le temps de répondre en détails aux questions des participants. 

Ensuite, les internautes demandent de plus en plus de pouvoir interagir avec les personnalités qu’ils suivent, ce qui est possible grâce au tchat en direct mais aussi aux autres fonctionnalités pour faire des sondages ou partager des ressources. 

En savoir plus sur la vidéo en direct : notre article dédié.

Enfin, sur Twitch, on sort des médias traditionnels. On donne l’impression de parler sans filtres, de parler vrai… Et de toucher les personnes qui ne suivent plus la presse traditionnelle et les journaux télévisés. 

Le vrai challenge sur Twitch est d’aller au-delà de son audience de base. Les aficionados de Twitch, des joueurs de jeux-vidéo pour beaucoup, recherchent sur cette plateforme un franc-parler qu’ils ne retrouvent pas dans les médias traditionnels. Ils sont donc à 1re vue très méfiants de voir des politiques arriver sur la plateforme. 

Pour réussir son entrée, il convient donc de bannir toute langue de bois et de fendre l’armure. On ne parle pas de la même façon sur Twitch que sur TF1 (cela avait été beaucoup reproché à Castex lors de son passage). 


En bref, concernant le poids de la vidéo dans la communication politique des autres candidats : 

Eric Zemmour est certes sur TikTok, mais il est également très actif sur YouTube où il rediffuse ses meetings, ainsi que des vidéos avec un parti-pris fort que ce soit sur le fond ou sur la forme, comme sa dernière vidéo en date, “Ils vous disent”, qui dénoncent les médias, le Gouvernement et les technocrates. 

On sent dans la communication de Zemmour la volonté d’être très impactant en jouant sur les émotions, sur la peur… Le montage de ses vidéos utilisent des plans réalisés par les équipes de Zemmour durant la campagne, mais aussi des plans de stock. On se souvient d’ailleurs de la vidéo d’entrée en campagne qui a fini par être enlevée de YouTube faute de règlement des droits d’auteur. 

Valérie Pécresse a une approche plus classique, plus réservée, bien qu’on constate une évolution depuis quelques semaines avec des contenus plus courts, plus dynamiques. Les performances s’en ressentent. 

Cette approche classique, on la retrouve chez tous les autres candidats qui utilisent bien sûr la vidéo, mais je n’ai pas tiré de leçons particulières de leur stratégie audiovisuelle. 



Quels enseignements retirés en matière de marketing vidéo ?


1er enseignement : TikTok et Twitch continuent à s’imposer face aux autres réseaux sociaux. 

Ils permettent tous les 2 de toucher une population plus jeune et plus globalement qui ne suit plus les médias traditionnels et consomme l’information différemment. 

Dans une optique de communication d’entreprise, le critère de l’âge de votre cible n’est pas le seul à prendre en compte dans votre choix d’être ou pas sur TikTok.

TikTok est un réseau social intéressant même si votre cible a plus de 30 ans, et ceci pour au moins 2 raisons : comme nous l’avons vu, 43% des utilisateurs de TikTok en France ont plus de 34 ans. Et même pour les plus jeunes, ils finiront par vieillir également et devenir votre audience.


2e enseignement : l’organisation d’événements hybrides décuple la portée de ces événements.

Tous les meetings sont aujourd’hui captés par les équipes des candidats et retransmis sur leur propre plateforme, laissant ainsi le choix aux gens d’y assister en présentiel ou de les suivre sur Internet. 

Proposer de suivre vos événements en présentiel ou en distanciel vous permet d’élargir considérablement votre audience. Sans oublier que les images captées en direct peuvent être réutilisées dans des montages plus courts type best of ou vidéos courtes verticales. 


3e enseignement : on assiste à une démédiatisation d’une partie de la communication des candidats. 

Tout comme les marques ou les entreprises qui décident de créer leur propre média, les candidats bénéficient alors d’une plus grande maîtrise de leurs contenus. C’est ce à quoi on assiste lors de la création de sa propre émission sur Twitch ou de sa propre plateforme vidéo comme celle de Zemmour dénommée “Zemmour pour tous” avec un moteur de recherche permettant de trouver facilement des vidéos traitant d’un sujet en particulier. 

Attention néanmoins à rester transparent face à cette maîtrise totale du média : les internautes ne vous pardonneraient pas de faire l’impasse sur certains sujets ou de manquer d’objectivité.

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